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Notre Monde Notre Monde (2013, 119') un film de Thomas Lacoste
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© Passant n°30 [août 2000 - septembre 2000]
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Biologie de l’amour




Le décryptage du génome humain ouvre la porte à de nouvelles interrogations sur l’homme en prenant comme support la biologie. Envisager l’amour de ce point de vue ne paraît plus farfelu. Un symposium intitulé « Y-a-t’il une neurobiologie de l’amour ? » a eu lieu à Stockholm en août 1996. La première tâche de ces chercheurs, non moins la plus délicate, a été de définir leur objet de travail. Le mot amour définit une émotion familière à chaque être humain, ce mot existe dans chaque langue. Cette émotion est par définition subjective ; or pour étudier un phénomène d’un point de vue scientifique, l’objectivité est de mise. Une des définitions données est la suivante : un sentiment intense d’affection profonde ou de tendresse pour une personne ou une chose, une passion sexuelle ou des relations sexuelles. Cette vaste définition est tirée d’un dictionnaire, l’amour concerne ainsi une personne voire même une chose, l’amour entretient des rapports étroits avec l’acte sexuel sans pour autant s’identifier à lui. L’amour peut se définir autrement en mettant en avant la notion de lien filial : processus d’apprentissage durant la vie qui débute avec la relation de l’enfant avec sa mère et la séparation graduelle de la mère avec une recherche d’un confort et d’un accomplissement émotionnel. Autant l’amour hétérosexuel ou homosexuel dans sa version monogame est un phénomène observable quasi exclusivement chez l’être humain (des comportements monogames existent chez certains rongeurs et certains primates), autant l’amour filial est une valeur partagée par tout le règne animal. Ceci ouvre la porte à des modèles animaux pour l’étude la plus objective de ce phénomène. Ainsi, plusieurs processus neurobiologiques impliqués dans l’expérience et l’expression de l’amour sont partagés par d’autres mammifères. Dans une perspective phylogénétique, l’amour apparaît comme un processus émotionnel et motivationnel en rapport avec une évolution pour augmenter les bénéfices adaptatifs associés avec la reproduction. L’amour au point de vue scientifique est donc une construction hypothétique avec plusieurs dimensions et interprétations.

La biologie définit trois acteurs :

- le système nerveux autonome avec trois composantes qui sont par ordre chronologique au plan phylogénétique : le complexe vagal dorsal dont le rôle est de permettre un comportement d’immobilisation comme stratégie d’évitement, le système nerveux sympathique augmentant les sorties métaboliques en vue d’un combat ou d’une fuite et le complexe vagal ventral qui autorise des comportements sociaux complexes en utilisant un système volontaire de communication en vue d’une réduction de la distance physique et psychologique pour aboutir à une immobilisation sans peur. Cette notion d’immobilisation sans peur est importante car dans le règne animal, l’immobilisation est associé à une période de vulnérabilité ; mais chez la plupart des mammifères, l’intromission nécessite un comportement d’immobilisation de la femelle.

- Le système hypothalamo-hypophyso-surrénalien jouant un rôle par son implication dans le stress et l’anxiété, le stress étant un facteur favorisant de la création de liens sociaux.

- Les neuropeptides d’origine hypothalamiques : l’ocytocine et la vasopressine qui sont des molécules sécrétées par l’hypothalamus jouant par l’intermédiaire de leurs récepteurs un rôle de lien entre les fonctions de régulation et d’intégration de l’hypothalamus et le système nerveux autonome.

Le développement phylogénétique du système nerveux autonome fournit donc un principe organisateur pour les expériences affectives et détermine l’importance des comportements affectifs et sociaux.

L’amour au point de vue biologique apparaît donc comme une construction arbitraire et souffrant de réductionnisme. L’amour reste une production de notre expérience individuelle passée et présente sujette au hasard, la rencontre d’une incertitude qui nous ressemble, la rencontre d’un autre soi. Ces heureux hasards de part leur caractère inattendu et à la fois désiré dépasse de part leur complexité le cadre d’une explication rationnelle. L’amour reste et restera l’un des derniers jardins cachés de la condition d’homme. Comment expliquer la phrase d’Eluard : « il fallait bien qu’un visage réponde à tous les noms du monde » ?


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