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Sortie du DVD de Notre Monde

Notre Monde Notre Monde (2013, 119') un film de Thomas Lacoste
Rassemblant plus de 35 intervenants, philosophes, sociologues, économistes, magistrats, médecins, universitaires et écrivains, Notre Monde propose un espace d’expression pour travailler, comme nous y enjoint Jean–Luc Nancy à « une pensée commune ». Plus encore qu’un libre espace de parole, Notre Monde s’appuie sur un ensemble foisonnant de propositions concrètes pour agir comme un rappel essentiel, individuel et collectif : « faites de la politique » et de préférence autrement.
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© Passant n°35 [juin 2001 - août 2001]
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L’Algérie dans tous ses états


Révélations du général Aussaresses, émeutes en Kabylie et au cœur d’Alger, des centaines de milliers de jeunes dans les rues face à une police d’une violence inouïe, publications de témoignages sur les pratiques douteuses des généraux au pouvoir, l’Algérie est au cœur de cyclone. La publication du livre, de celui qui dirigea de 1955 à 1957 les services spéciaux, vient confirmer, s’il en était besoin, l’institutionnalisation de la torture, celle que dénoncèrent, Henri Alleg qui eut à la subir, Camus, Vidal-Naquet, Bourdet et d’autres. Nulle révélation dans ce livre, mais il lève le voile sur un ensemble d’événements qui mit plus de 30 ans à devenir officiellement ce qu’il fut, une guerre coloniale où certains officiers supérieurs français, pourtant grands résistants face à la barbarie nazie ont employé, couverts par le pouvoir politique, exactement les mêmes méthodes d’extorsion d’aveux : la torture. Dans Le Monde du 12 mai, Mohammed Harbi, historien ancien dirigeant du FLN conclut ainsi un article sur les pseudo révélations d’Aussaresses intitulé Un passé de torture qui ne passe pas : « En Algérie aujourd’hui ces pratiques (la torture, NDRL) ont un nouveau cours, mis en œuvre par certains de nos généraux contre leur peuple, qui ne l’oubliera pas ». Les Kabyles depuis des semaines en font l’amère expérience. Là, c’est le peuple qui se soulève, les femmes d’ailleurs y prennent une part prépondérante. Le régime, l’armée, la gendarmerie sont ouvertement attaqués. Et aucun islamisme modéré ou radical derrière ces centaines de milliers de personnes venues manifester du plus profond des villages de Kabylie.

Mais faut-il entre deux maux, la terreur militaire ou la terreur islamiste choisir

le moindre, la terreur des militaires, comme le préconise Jacques Julliard dans l’Obs ?1 Le témoignage d’Habib Souaïdia, ex-lieutenant des services spéciaux algériens apporte un début de réponse. Il renvoie dos-à-dos les terroristes islamistes et les généraux qui se servent de cette guerre civile, 150 000 morts en 10 ans, pour dit-il, se maintenir au pouvoir, tant un retour à la paix et à la démocratie viendrait menacer la pérennité de leur contrôle sur l’économie du pays. L’armée et l’actuel régime algérien, dernier rempart contre un islamisme radical à l’iranienne et à l’afghane ? Le régime en joue et beaucoup ici sont tout prêts à lui faire ce crédit, soupçonnant derrière le récit d’Habib Souaïdia une énième manipulation. L’Histoire peut-elle servir à quelque chose ? Rappelons-nous que la France, en dépit des actes de ses tortionnaires des DOP (Dispositifs Opérationnels de Protection) perdit la guerre d’Algérie, que la torture, bien loin de réduire les opposants fabriqua des fellagas. Aujourd’hui, l’armée algérienne fa-brique des terroristes islamistes en traitant de fait les islamistes comme des terroristes. Perdra-t-elle cette guerre à son tour ? Une guerre qu’elle devrait avoir gagné puis longtemps.


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